À quand les réparations que Haïti mérite ? Si l’occupation américaine de dix-neuf ans, débutée en 1915, a renforcé la mainmise des États-Unis sur la politique et l’économie haïtiennes, elle n’a pas marqué le début de l’ingérence étrangère dans le pays. En réalité, dès décembre 1914, les intentions américaines étaient claires. Un groupe de Marines s’introduit dans la banque nationale d’Haïti et saisit 500 000 dollars en or. Cet acte marque le premier coup d’une longue série de manœuvres destinées à neutraliser l’influence française et allemande dans la région.
Cependant, l’histoire d’Haïti avec les puissances étrangères commence bien avant l’occupation américaine. Elle remonte à 1825, lorsque la France oblige son ancienne colonie à lui verser des indemnités compensatoires de 150 millions de francs or (environ 21 milliards de dollars actuels). Haïti, la première nation noire à se libérer du joug de l’esclavage, a été contrainte de payer pour sa liberté, sa souveraineté, et même pour sa dignité. Cette dette, que l’on surnomme le « rançon de l’indépendance », a saigné l’économie du pays pendant plus d’un siècle.
La France a déjà reconnu sa responsabilité historique pour ce pillage économique, mais les paroles seules ne suffisent plus. Des appels pour des réparations concrètes résonnent depuis longtemps. Ces fonds, s’ils étaient restitués, permettraient de financer des infrastructures, des programmes éducatifs, et de renforcer les institutions du pays.
Quant aux États-Unis, leur responsabilité est tout aussi claire. L’occupation militaire, la confiscation des richesses nationales, et le contrôle politique imposé ont marqué Haïti d’un traumatisme durable. Les conséquences se font encore sentir aujourd’hui, alors que le pays lutte pour se relever de décennies de gouvernance fragile et de dépendance économique.
La question est simple : combien de temps encore les puissances mondiales vont-elles ignorer leur devoir de réparation ? Haïti n’a pas seulement besoin d’aide humanitaire, mais d’une véritable reconnaissance de la violence historique qui lui a été infligée. La justice internationale et les droits de l’homme ne devraient pas s’arrêter à des frontières géographiques ou politiques.
Si l’on veut réellement aider Haïti à se reconstruire, il est temps que la France et les États-Unis rendent ce qu’ils ont pris – et qu’ils contribuent à réparer ce qu’ils ont détruit.